Le jour où il mord, je le pique !

Je n’ai pas pour habitude d’incriminer les propriétaires dont j’estime les approches, ou les croyances, inadaptées. Pourtant, j’ai été confronté récemment à une situation qui m’a mise profondément mal à l’aise.

Je vais me permettre de décrire brièvement la situation :

Un couple, sensibilisé et prévenu bien avant l’adoption de la fragilité des malinois sur le plan comportemental.

Un couple qui travaille beaucoup mais qui fait le choix d’adopter un chien de lignée de travail dans un élevage qui monte ses chiens à l’utilité, dans le but d’en faire un bon chien de famille « passe partout ».

Un couple confronté à des troubles du comportement normaux pour un malinois sélectionné pour l’utilité mais problématiques pour un chien de famille.

Un chien avec un seuil de réactivité au raz des pâquerettes, qui fait des morsures redirigées, qui frustre intensément, super pour le travail, moyen sur le canapé.

Le truc, c’est que c’est un couple averti, il a la chance d’être bien entouré et bénéficie dès les premières difficultés de recommandations pour gérer la situation et de contacts de bons pros pour avoir un accompagnement de qualité le temps que la période sensible soit passée.

Mais notre couple préfère emmener son chiot au club canin. Là-bas, les moniteurs sont tous bénévoles.

Ils ont suivi une très courte formation pour apprendre les lois du comportement. Ils sont boulangers, comptables, conducteurs de bus, tout sauf éduc / cyno / comportementalistes / mettre ici l’étiquette de votre choix pour signifier plusieurs années de formations. Former des gens à l’éducation en club, pour eux c’est un hobby, c’est vraiment chouette, mais ce n’est pas du tout ce dont ce chiot a besoin.

Puis, je le revois ce chiot. Je vois des saccades sur son cou fragile, une main se poser lourdement sur ses hanches pour lui dire de s’asseoir, j’entends un « NON, ASSIS » menaçant. Ses humains ne voient pas le problème.

Ce chiot a 6 mois, et il apprend que dans la vie, la meilleure solution, c’est l’inhibition.

Ce chiot, ce sera sûrement un chien vitrine, arrivé à deux ans. Un « PAS bougé ! », et il ne déplacera pas un coussinet, assis près de son humain qui se fait un apéro entre amis.

Ce chiot, il fera des petits tours de quartier, toujours les mêmes odeurs, les mêmes trottoirs. Ce sera ce chien adulte qui fait « la sortie du dimanche ».

Ce chiot, il a 6 mois, et dans la bouche de son humain, il porte déjà l’étiquette « dominant ». À cause de cela, il n'a plus de vie sociale.

Ce chiot, c’est un malinois, choisi génétiquement pour son impulsivité, ses immenses besoins, mais qu’on cassera tôt pour le faire rentrer dans le moule du « bon chien de famille qui ne dit rien ».

Ce chiot, il sera identifié comme un chien « bien élevé, très sage » car il aura appris que le silence est d’or, que la meilleure action est l’inaction, qu’il ne sert à rien de s’exprimer.

Jusqu’à l’accident.

C’est ce chiot dont le deuxième prénom est « le jour où il mord, je le pique ».

Mais c’est un chiot qui « doit obéir », c’est un chiot dont on voit déjà les premières fêlures, c’est le produit de la maltraitance banalisée, assumée.

Quand on souhaite un chien, mais qu’on ne veut pas passer du temps à lui faire découvrir le monde, l’aider à gérer ses émotions, vivre des expériences neutres ou positives, lui apprendre à aimer obéir, gérer l’environnement pour lui permettre de le placer en situation de réussite, alors il est peut-être sage d’adopter une peluche.

Je ne ferais jamais la promotion de la casse émotionnelle pour obtenir un chien obéissant.